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Regret

Dans le bleu doux du ciel d’un soir de septembre, un lévrier d’argent, écume légère, nage sur le dos. Le bec à sa hauteur, une hirondelle toute fine étire ses ailes roses, avant qu’imperceptiblement l’atmosphère n’absorbe, une à une, ses particules colorées. L’oiseau, désormais presque blanc, fond soudain dans l’azur, tandis que le soleil s’endort.

Hors les murs de notre société effervescente, j’aime cette heure où, cédant enfin au plaisir d’être, nous nous dévoilons à nous-mêmes, tout en considérant notre rapport au monde et à l’autre.

Et aujourd’hui sur ce cliché, ton cou cerclé d’or, l’éclat malicieux de ton regard et cet autre visage juvénile qui te mange des yeux, c’était toi, c’était moi, il y a plus de vingt ans !

Te souvient-il de cet été « africain » dans L’Allier quand le paysage du Bourbonnais semblait si proche de la savane arborée ? Les cours d’eau s’asséchaient, les sources tarissaient, le bétail somnolent devait être affourragé. Les bouchures à peine rafraîchies par la nuit nous avaient invitées à une promenade matinale.

Nous nous connaissions à peine, mais là, soudain, tournant brièvement ton visage vers moi, tu as murmuré : toi aussi, tu… ? Longtemps sous le poids des choses à taire et tues, j’avais succombé à l’emprise, enserrée par des tourments demeurés clandestins. Et toi, tu me révélais que je n’étais plus seule !

Mais depuis ce jour-là, ô ma sœur, avons-nous eu des fers aux pieds qui brisaient tout élan, toute envie de savoir, de vraiment nous connaître ? On m’avait fait quitter Paris et installée ailleurs ; tu as quitté Paris pour les falaises de Normandie, mais ce n’est pas ce millier de kilomètres qui nous a séparées. Tes bambins sont parents, leurs enfants déjà grands, je n’aurai pas de descendants, mais ce n’est pas ce qui nous a séparées. L’épaisseur du temps passé, peut-être, ou bien encore un interdit trop puissant.

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